Connectez-les tous !
Objets intelligents, développement personnel et politique (version texte, le lien de l'audio est en bas de page)
« Avez-vous déjà pensé à connecter votre cuillère à votre smartphone ? Probablement pas. En tout cas, c’est ce qu’ont réussi à faire trois startupers grenoblois. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça fonctionne. Preuve en est leur premier prix au Salon de Innovation For a Cozy Future édition 2021, organisé chaque année dans le chef-lieu de l’Isère. Nous nous y sommes rendus pour féliciter nos trois innovateurs, représentants, à leur manière, de l’excellence française. Reportage. » Réaliste, n’est-ce-pas ? Voilà le but : tout connecter, transformer le moindre mouvement, le moindre usage d’objet en données, de sorte que, ces données une fois extraites, soient exploitées, analysées, finalement monnayées.
Cette manie de tout connecter, de rendre intelligent le moindre objet du quotidien est solidement ancrée dans notre époque. Différents objets d’importances voient leur usage complètement modifié par cette frénésie innovative. Les plus emblématiques sont probablement la voiture (et la route) et la montre. Les transports sont smartifiés (néologisme auquel il vaut mieux s’habituer dès maintenant, tant je vais l’utiliser), la santé est smartifiée à travers la montre, placée au bon endroit pour extraire des données sur le corps de l’individu, sa vitesse, sa fréquence cardiaque, par là son activité.
Un objet intelligent est un objet connecté à internet, qui recueille des données sur son utilisateur pour, en les analysant, lui communiquer de nouvelles informations susceptibles de le renseigner sur son propre compte, de l’amener à de nouvelles décisions, etc. Imaginons un exemple, toujours avec nos trois innovateurs grenoblois de génie. La cuillère que, brillamment, ils mirent au point, pourrait à chaque repas établir un test salivaire, puis communiquer les résultats au smartphone connecté au même réseau wifi. Quelle idée de génie quand même. Notre homme connecté ne pourrait pas ne pas savoir s’il est atteint d’une maladie reconnaissable au cours d’un test salivaire. D’ailleurs, cette idée bidon servant d’illustration nous semble avoir du potentiel, d’autant plus si l’on a une pharmacie connectée dans sa salle de bain et un compte Uber. Si le médicament à prescrire n’est pas présent dans notre salle de bain, un gentil coursier pourrait gentiment nous l’amener, sans que nous ne fassions le moindre geste, notre carte bleue étant enregistrée sur Uber Health. Nos trois grenoblois imaginaires nous fournissent une excellente illustration de ce qu’Evgeny Morozov nomme le « solutionnisme technologique » : la propension à utiliser des services technologiques pour proposer une solution à un problème comme le manque de médecin, plutôt que de s’attaquer à sa cause, par exemple politiquement. Autre illustration pour être bien clair : contre l’isolement des vieilles personnes en campagne, un solutionniste proposera de peupler d’écrans et interphones leurs maisons, plutôt que de réfléchir en profondeur sur les causes de la désertification des campagnes.
Revenons aux objets connectés. Nous pouvons distinguer ce que font ces appareils face à nous, dans leur versant vertueux, et dans notre dos, le versant fourbe. Face à nous, c’est-à-dire, tels qu’ils sont présentés au terme de la stratégie de marketing, ils nous informent, nous orientent et présentent des fonctionnalités supplémentaires censés nous apporter « confort, contrôle, sécurité », comme le système de domotique de Nest, frère de Google au sein de la maison Alphabet. Mais leur versant fourbe, trouble, nous pourrions encore le résumer par le trio « confort, contrôle, sécurité », sauf que c’est le confort, le contrôle et la sécurité de Google dont il s’agit tandis que pour nous c’est accidentel et si les Big Techs (=Gafam et autres sociétés comme Uber) proposent leurs services gratuitement ou à bas prix, c’est que ça les arrange, eux et les Etats, que tantôt des pharaoniques profits suivront, dans le dos des individus. Nous verrons cette partie plus tard lorsque nous examinerons les conséquences politiques sur l’individu et son rapport à la collectivité, partant de l’usage d’internet tel qu’il est aujourd’hui, avant de clore l’article brièvement sur la politique des données qu’implique cette smartification générale. Pour l’instant, examinons les effets de ces objets sur les individus, seulement sur eux, et commençons à construire un pont vers la politique.
Connais toi toi-même !(!!!)
Les objets intelligents sont loin d’avoir seulement des effets négatifs. Nous serons assez laconiques ici mais disons qu’ils servent parfaitement la divinisation du Soi, comme les superficiels livres de développement personnel. « Il faut faire ce avec quoi on est en phase ». « Il faut se connaître ». « Ecoute ta petite voix ». Les smart objets nous aident à nous connaître. Grâce à eux, nous en savons plus sur les réactions de notre corps à ce que nous lui faisons métaboliser. Une montre nous donne des informations sur notre sommeil, état fort complexe à comprendre. Nous pouvons dire qu’elle reste éveillée pour nous pendant que nous dormons, et qu’elle est encore au réveil fidèle au rendez-vous pour nous dire comment cela s’est passé pendant notre absence. En sport aussi nous pouvons connecter montre et compteur. Bref, ces objets nous fourniront à peu près tout ce dont il est nécessaire pour pouvoir nous débrouiller nous-mêmes, pour que nous soyons nous-mêmes notre coach, notre nutritionniste, en gros, notre médecin. Mais sport, sommeil, nutrition, cela sont des choses que l’individu qui a d’ambitieux projets met habituellement de côté, il ne se laisse pas happé par l’objectif d’avoir le corps le plus sain possible. Simplement essaye-t-il d’avoir le corps « qui suit », qui n’est pas une entrave pour les objectifs fixés.
Nous voyons poindre une première conséquence politique de ces objets. L’attention de l’individu se concentre sur son corps, sur sa santé, sa psychologie, insomma sur lui-même à cause ou grâce à ces objets qui le lui permettent, qui donne matière à compréhension du mystère que, sinon, son état de forme, son humeur, constitue à son entendement. Mais alors, vue politiquement, cette concentration de l’attention n’est-elle pas une distraction, un détournement de l’attention ? Inévitablement. Nous accentuerons la plausibilité de cette opinion par la suite mais remarquons que ces outils intelligents fournissent une prise à l’individu qui veut s’améliorer. L’exigence lui est désormais permise. Qui dit exigence dit susceptibilité. Celui qui veut véritablement améliorer sa santé en repoussant au maximum le hasard doit avoir le contrôle, doit avoir la maîtrise de son agenda et ainsi être libre, ne pas avoir d’impératifs extérieurs. Il ne doit pas appartenir à un cercle social mais doit toujours avoir le choix entre s’engager et ne pas s’engager. Aujourd’hui, l’individu perfectionniste qui consacre un culte au Soi, choisit à qui, à quoi il consacre du temps, choisit ce qui le détourne de Lui.
Si cela marche aussi bien, au point que s’étoffe continuellement le rayon Développement personnel dans les librairies, c’est que c’est drôle. En aidant les usagers à se considérer comme des sujets à améliorer, en leur fournissant statistiques et en étant ludiques à souhait, les objets intelligents font de l’amélioration de soi un jeu fort amusant, dont la pratique ne donne pas l’impression de perdre du temps, ce qui est parfois le cas avec les jeux-vidéos. Mais usons de cette comparaison. Comme les jeux-vidéos, le développement personnel permis par ces objets nous fournit un but à plus ou moins long terme dans cette vie. Les jeux-vidéos, malgré leur difficulté variable, offrent un objectif dont la réalisation est quasiment certaine, à moins d’être gauche. Certains jeux en lignes « massivement multijoueurs », du fait d’être joués en masse, du fait de leur économie interne et de leur complexité, sont susceptibles de satisfaire l’individu de telle sorte qu’il attend moins de ce qu’on appelle la réalité. Le plaisir qu’ils apportent est parfois très intense. Dofus, par exemple, offre à qui veut de se lancer dans des quêtes à long terme mais dont l’issue est certaine : à condition de jouer suffisamment, le succès sera là, et, ce qui est d’autant plus satisfaisant, pas sans avoir surmonté quelques obstacles. En revanche, celui qui se fixe un but en politique au sens noble du terme (pas celui qui veut faire carrière), celui qui veut améliorer les choses pour une collectivité, n’est pas certain de parvenir à ses fins (nul ce jeu). Similairement quand l’on cherche à s’améliorer, on arrive presque toujours à être soit un peu plus détaché, soit moins boulimique, ou plus performant, plus endurant, plus mieux, moins pire … Cette certitude de résultat et cet aspect ludique du développement personnel, ce sont notamment les objets intelligents qui nous les permettent. Nous sommes grâce à eux, plus informés.
L’individu se croit alors le maître, il a une certaine impression d’autonomie, il est plus « conscient », plus capable d’accéder au bonheur, plus capable de réaliser ses objectifs. Il change la valeur attribuée à un paramètre et observe son corps pour mesurer les effets. Il trouve que finalement, le problème n’est pas chez autrui, pas dans la collectivité au sein de laquelle il prend place, mais qu’il doit d’abord changer en lui-même pour s’adapter. Il y a toujours quelque chose à changer en nous. La malléabilité humaine n’est pas à prouver et nous pouvons nous adapter au pire. Mais le pire est rarement sous nos yeux, tout le monde n’a pas été confronté au nazisme ou autres horreurs de l’histoire. Néanmoins, la pensée que le problème est d’abord en nous change le rapport que l’on entretient avec les différents systèmes dans lesquels nous sommes, comme l’entreprise, ou l’État ou autres institutions. Bien que reconnaissant l’imperfection de son environnement, l’individu préfère se changer lui-même en priorité car il a véritablement un levier pour le faire et qu’il a au moins un peu de contrôle. Il tient le cap malgré tout. Changer le monde, même un peu, demande par contre un engagement à long terme, dont l’issue n’est pas certaine mais n’est certainement pas le bonheur – le sens de la révolte devient de plus en plus difficile à faire sien. Ces gens-là, qui décident d’agir pour une cause personnelle et en même temps impersonnelle, respectivement leur bien-être et celui d’autrui, progéniture, êtres aimés et inconnus, peuvent apparaître stupides aux yeux de qui pense qu’il faut d’abord changer sa personnalité ou sa santé. Ils pensent pouvoir être plus forts à plusieurs et pensent que les représentants politiques ne décident pas comme il faut. En ce dernier point, je pense aux Gilets Jaunes évidemment. Se sentant trahis et vulnérables, seuls, ils sentent leur impuissance. Beaucoup de français, dont l’auteur fait partie, se sentent impuissants et vulnérables face au passe sanitaire, obligés sinon de transiger avec les valeurs qu’ils adorent. Alors ensemble, il faut produire pensée, remise en question, mais isolés pas d’introspection pour nous adapter à une société malade. Nous pouvons facilement supposer que les Gilets Jaunes ont des priorités bien différentes que d’améliorer leur sommeil, leur endurance, etc. Le confort, le contrôle et la sécurité, ils n’iront pas les chercher chez Nest.
Sauver les services publics en les rendant inutiles
Les objets intelligents rendent l’individu plus autonome, à condition d’avoir avec lui l’assistance technologique. Or, que pense le néolibéral dans sa version solutionniste à la française (version opposée à l’ultralibéralisme, l’État ici délègue aux plateformes technologiques le soin de combler les failles des services publiques sans les réparer, les repenser, agrandissant petit à petit la fracture entre les institutions et la population mécontente) ? Il pense que l’individu doit se prendre en main et doit accepter de voir se déliter les différents services publics car sa dépendance est la preuve de son inadaptation au système en vigueur. Il pense que le covidé est un irresponsable car il demande d’investir dans l’hôpital public. Il est prêt à tout pour vacciner tout le monde, sans même savoir si ce sera bénéfique. Voilà pourquoi au réfractaire on fait porter le chapeau tout en abaissant le nombre de lits d’hôpitaux. Lui pense que s’il est malade, on sera là pour le soigner. Le néolibéral pense qu’il n’a pas à tomber malade. Voilà ce que l’on pense de lui quand on est un vulgaire mouton néolibéral. C’est particulièrement utile comme idée. Dans un système néolibéral, l’État est seulement le relais des intérêts de grandes entreprises faisant partie de la pyramide du pouvoir. Depuis une autre perspective, il est vu comme un ensemble de personnes et d’institutions, lesquelles personnes sont gonflées en légitimité, sont placées à des postes à hautes responsabilités et orientent, du fait de leur légitimité, dans la direction que souhaitent qui tente de se servir de l’État comme relais d’intérêt. Par exemple, peu importe que Macron soit une coquille vide, sans autre idéologie que ses intérêts personnels (se faire bien voir par ceux qui se servent de lui, pour la faire simple), seul importe qu’il contienne le peuple autour de discours et actes mesurés. On peut dire que c’est raté. L’individu, entouré de ses objets intelligents, a les cartes en main pour ne pas s’en remettre à l’État et se sentir suffisamment bien pour ne pas remettre en question trop profondément les institutions qui, de plus en plus, se dédient à quelques firmes privilégiées. Interchangeable dans son entreprise, au sein de la population, son originalité inhibée, replié sur lui-même, l’individu disparaît au profit de la fonction dans un système précis. Qu’il ne puisse toucher à la complexité du système, que cette pensée ne le touche même pas, que son attention soit toute entière à lui seul, à s’améliorer, à être plus en forme, plus beau, plus mieux, plus indépendant de l’État et des institutions. Ayant fait de sa vie une sorte de jeu (un peu comme dans le deuxième épisode de la première saison de Black Mirror), de sa personne un avatar à améliorer, si l’on grossit le trait. La violence venue du politique ne touche plus son individualité connectée. Qu’on lui viole ses droits les plus fondamentaux, qu’importe, il ne se plaint pas. Mais ne lui coupons pas l’accès à Internet, cela déconnecterait les solutions aux problèmes et le ferait se rendre compte qu’il y a une alternative au système dans lequel il prend place, qu’ainsi il devrait s’engager.
C’est la relation entre l’individu et cette abstraction qu’on appelle l’État qui a changé. L’Etat-providence (ou Etat social) était permis grâce à l’abondance énergétique dont était responsable l’énorme production de pétrole. Cette forme d’État a connu le coup de grâce en 2008 avec la crise financière – nous examinerons rapidement dans la conclusion et dans un prochain article sur la manière de la faire renaître avec une utilisation raisonnée des données. Les services publics n’ont fait que se détériorer depuis, préparant l’investissement en ces ruines des Big Techs, toujours prêtes à accroître leur emprise. L’on ne pourrait pas contenir les mécontents s’appauvrissant si n’était pas puissamment introduite la pensée selon laquelle l’individu n’a rien à attendre de l’État. S’il doit se prendre en main, alors il ne remet plus en question la légitimité de l’État, il doit seulement s’adapter à un état de fait. L’individu antinomique à ce système, par excellence, est l’anarchiste, lui qui remet en question la légitimité de tout pouvoir d’un homme sur un autre. Bien qu’en apparence inoffensif, les objets intelligents, en nous aidant à nous habituer à la situation politico-économique telle qu’elle est, font de nous des éléments d’une masse inerte qui s’agrandit malheureusement autant que la masse que composent les individus mécontents.
Les effets politiques de ces objets intelligents et du système duquel ils sont les émanations (le solutionnisme technologique cher à Evgeny Morozov) requiert finalement un retour de l’action politique. Il y a différentes choses alarmantes qui la rendent nécessaire. Premièrement, et très simplement, les objets connectés isolent, mais sans produire le sentiment d’isolement, sans produire la trop présente amertume de la solitude prolongée. Les objets smart ne sont vraiment pas ennuyeux, leur usage peut se renouveler, du fait de leur « smartéité ». Et donc, ils nous éloignent les uns des autres. Aussi, en fabriquant une masse inerte d’individus satisfaits et d’autres s’appauvrissant, incapables de smartifier leur environnement pour combler les failles, ce système produit des fractures, des personnes irréconciliables, des douleurs incapables d’apparaître dans les discours des autres, des douleurs incapables d’être comprises. C’est pourquoi une intervention de l’État est souhaitable. Les différentes institutions ont pour but de maintenir l’ensemble de la population, ou le plus grand nombre de personnes possible, dans le système, de faire participer tout le monde au processus de création de richesse, qu’ainsi personne ne se sente réprouvé, ne se sente incapable d’aller vers l’autre de par sa marginalité, de par sa différence. Si les gens ne se rencontrent plus, si certains ne peuvent plus aimer et être aimé, alors l’Etat n’est plus légitime, n’étant plus capable de faire émerger des relations interindividuelles moins conflictuelles que s’il n’était pas là. Nous semblons nous éloigner progressivement de notre sujet initial mais voilà le chemin que nous prîmes. Nous avons vu que les objets intelligents permettent à l’individu de se focaliser sur lui-même. Ils sont hyper-ludiques. Tout est politique. N’est-ce pas Rousseau qui disait cela ? Les effets de ces objets sur l’individu produisent nécessairement des effets sur son rapport à la collectivité, a fortiori sur son rapport au politique, à la politique.
Haro sur les données
Pour finir, remarquons que smart-automobiles, smartphones, smartwatch et autres smart-objets sont le produit de l’extraction massive de données, en même temps qu’à leur tour ils participent à l’outrageuse extraction de données à seule destination des firmes. En effet, si les objets connectés les plus communs émanent principalement des Gafam, les objets connectés un peu originaux, qui émanent de start-up, utilisent mais surtout vendent leurs données accaparées à des annonceurs, diffuseurs et à ces mêmes Gafam. Le résultat est un conservatisme général, Etats et firmes transnationales restent en place.
Alors que faire ? Comment redonner importance aux lieux publics de manière à ce que les personnes redescendent dans la rue ? Les politiciens excessifs tels que Macron nous rendent assez service, en étant si odieux qu’ils produisent énormément de haine, sentiment fédérateur par excellence. Mais cela n’est ni souhaitable, ni durable. Faut-il revenir en arrière ? La frénésie innovative et la frénésie publicitaire permise par le micro-targeting, notamment, fabrique une course-poursuite entre l’individu et l’objet connecté le plus récent. La solution soutenable réside sûrement en le libre-arbitre de l’individu. Le protéger des stratégies manipulatrices des Big Techs à travers une productions d’alternatives françaises aux plateformes nauséabondes, lui redonnera sûrement la possibilité de lutter, de s’y retrouver dans cette océan d’innovations au sein duquel il se noie. Son adaptation lui coûte et lui coûtera toujours plus cher à terme. L’intervention étatique, que nous recommandons, devra se concentrer sur les causes des effets que nous avons mentionné. Nous ne repousserons pas l’isolement des individus en leur proposant toujours plus d’écrans et de voix synthétiques. Il y a des choses que les Etats font mieux, typiquement tout ce qui est social. Ils sont d’ailleurs assis sur une mine d’or, que seuls ont su exploiter des entreprises privées, pour se sanctuariser. Les données des individus, par la smartification de tout, par l’usage massif d’internet a permis de fournir une énorme masse d’information à qui les accapare. En reprenant le contrôle des données créées par le « travail numérique » de la population, les Etats en faillite peuvent se redonner les moyens de créer des services publics beaucoup moins coûteux que ceux de l’État-providence du siècle dernier. Ils seront moins coûteux, plus efficaces grâce à l’analyse des données, plus humains de par les économies qu’ils feront, à condition que les citoyens aient voix au chapitre, aient accès à ces données anonymisées, non pas les firmes.
Les valeurs d’égalité, d’universalité, ne sont jamais réalisées par accident. Seule l’abondance permet de se détourner des petits profits pour jurer fidélité aux valeurs historiquement proclamées. Plutôt que de se faire coloniser petit à petit, les politiciens pourraient investir les stratégies proposées par quelques penseurs d’une gauche du numérique tels que Morozov. Ils ne le font pas. Pourquoi ?